Politiques Foncières et Les Spécificités du Secteur Agricole en Algérie
Politiques Foncières Agricole Algérienne
Politiques Foncières et Les Spécificités du Secteur Agricole en Algérie
La Spécificité Foncière
L’agriculture est la seule activité économique qui utilise l’espace et le territoire pour s’organiser et se développer .
La Terre est un Bien Economique Particulier
C’est un bien – ou un facteur de production – qui n’est pas reproductible; (tout au moins à grande échelle – par le travail humain. Il s’agit d’une “ donnée de la nature ” qui est limitée dans l’espace);
1. Les facteurs naturels et climatiques vont distinguer les sols cultivables de ceux qui ne le sont pas; (le stock de terres cultivables est largement exploité – les terres vierges ou les espaces à conquérir pour les cultures et l’élevage sont, dans la zone Méditerranée, extrêmement limitées.);
2. C’est également un bien qui fait l’objet d’un monopole de la part soit de l’ État, soit de fractions de la société, soit des deux à la fois; (le développement d’activité à l’intérieur de ce secteur est conditionné soit par des droits d’accès à l’usage (l’exploitation), soit par des droits de propriété).
- Ces deux caractéristiques vont déterminer des modes particuliers de production et de répartition des richesses agricoles entre les différents groupes sociaux.
- Ils instaurent des distorsions dans les transactions foncières et dans le fonctionnement des marchés de la terre, distorsions que la puissance publiques tente de corriger par des politiques foncières.
- le travail des hommes peut produire des terres cultivables comme c’est le cas pour les polders ou les zones oasiennes, mais cette production de sols cultivables est un travail sur des siècles, trop coûteux en termes de dépenses d’énergie humaine ou de capital.
Les Marchés Fonciers
Ils sont souvent de natures spéculatives, les interventions des pouvoirs publics viennent corriger le fonctionnement de ces marchés. Ces marchés vont dépendre :
1) des flux et du stock de terres disponibles au niveau national ;
2) des facteurs démographiques : (taux de croissance naturel de la population, répartition entre urbains et ruraux. Si par exemple l’exode rural est supérieur aux croîts naturels des populations actives, l’offre de terre aura tendance à augmenter et inversement) ;
3) des facteurs socio-juridiques :(qui renvoient aux statuts fonciers, aux systèmes de successions et d’héritages, aux coutumes et pratiques en usage selon les pays) ;
4) des facteurs économiques (avec la rentabilité de la localisation du placement financier du produit, des variations des taux d’intérêts, des politiques agricoles favorisant ou non les départs des agriculteurs (politique d’aide d’installation, de primes de départ etc.);
Les politiques foncières part I – « Elles ont un caractère stratégique dans les politiques agricoles des États »
- Les interventions des Etats ont été très fortes dans le domaine des structures foncières et dans les restructurations sociales des zones rurales;
- Les législations définissent sur le fond:
- Quels sont les droits et les obligations dans le domaine qui concerne l’usage des terres? autrement dit,
- Quelles sont les conditions d’accès au sol (ou à l’eau) ?
- Quels sont les groupes sociaux ou les fractions d’agriculteurs que l’on veut promouvoir?
- Le régime juridique des terres qui est définit dans les législations et le droit positif (code civil, code rural) détermine les types d’exploitations et/ou les types d’agricultures que l’on veut promouvoir dans le secteur agricole (exploitations ou agriculture familiales ou paysannes, entreprises agricoles à salariés, agriculture collective, coopérative , etc.).
Les politiques foncières Part II
- Les politiques foncières sont souvent le produit des conditions économiques et sociopolitiques ;
- Les rapports de force entre propriétaires fonciers, exploitants agricoles et salariés, leurs influences dans les institutions et leur poids dans la prise de décision politique sont à prendre en considération;
- Elles sont déterminées par le mode d’accumulation et le modèle de développement retenus dans les différents pays.
- Il n’y a pas de modèle général de politique foncière. L’on peut toutefois dégager une typologie sommaire des politiques foncières.
- Dans les pays industrialisés, la tendance dominante a été de réduire au moyen de législations foncières le poids de la propriété foncière (par le biais de la fiscalité) et de sécuriser les exploitants directs par l’adoption de statuts qui leur sont favorables (statut du fermage et des baux ruraux, aides à l’installation de jeunes agriculteurs).
- Des agences de régulation foncière sont mises en place pour réguler les marchés fonciers et assurer les transactions.
- l’application de réformes agraires nationalisant les terres des grands propriétaires fonciers et redistribuant la rente foncière absolue;
- Les formes collectives d’organisation du travail ont souvent été privilégiée dans l’agriculture;
- Dans les pays d’Europe Centrale et Orientale d’aujourd’hui, des restructurations des systèmes fonciers sont en cours depuis le début des années 1990 et des changements sensibles affectent aujourd’hui les statuts fonciers (en Albanie, en Roumanie, en Slovaquie.);
- Dans les pays à régime autoritaire , les politiques foncières ont favorisé les grands propriétaires fonciers latifundiaires (latin Latus: spacieuse-fundus: ferme) et les sociétés agricoles au détriment des paysans;
- Dans les pays en développement (PED), les programmes d’ajustement structurel agricole (PASA) ont orienté les politiques foncières vers une libéralisation des marchés fonciers et les restructurations foncières ont été favorables à la constitution d’entreprises agricoles. Toutes les réformes agraires ont été remises en question.
L’analyse de la question foncière mérite un bref rappel du contexte dans lequel elle se pose.
- Les expériences des pays industrialisés sont évoquées pour illustrer le fait que les politiques foncières –et de structures- mises en œuvre se sont construites sur la base de critères économiques.
- Dans les économies libérales, les politiques de régulation foncière et de développement agricole ont pris comme référence une unité économique de base : – l’exploitation agricole , et une unité sociale: l’exploitant et/ou sa famille;
- Il est clair qu’il faut bien considérer les conditions spécifiques dans lesquelles la question des structures foncières se pose en Algérie – en particulier sur les terres du domaine national.
Les Questions Posées dans la Définition des Politiques Agricoles?
- Les questions d’organisation foncière sont inséparables des missions assignées par les pouvoirs publics au secteur agricole dans l’économie nationale et de la place qu’occupe les agriculteurs dans la société globale et dans le développement rural;
- Les options fondamentales socio-économiques et politiques qui sont retenues déterminent, d’une part, les modes d’organisation du secteur, et d’autre part, les formes d’organisation foncière ou les types d’exploitation que l’on veut promouvoir dans l’agriculture;
- Dans tous les pays industrialisés, les politiques agricoles
- – définies en tant que contrat liant la société aux agriculteurs, l’Etat aux agriculteurs
- – ont inscrit la politique foncière comme une dimension essentielle des transformations à réaliser;
- Les droits de propriété, les droits d’usage, les formes d’appropriation et d’exploitation des sols et d’organisation de la production ont été –au plan socio-économique des questions déterminantes;
- Quels enseignements tirer de l’expérience des pays industrialisés ?
Le Modèle d’Organisation de l’Agriculture dans les Pays Industrialisés
Le processus de modernisation de l’agriculture s’est intégré dans une stratégie d’accumulation du capital qui a conduit à adopter des stratégies de restructuration des exploitations agricoles où le capital s’est substitué au travail et où l’intensification recherchée a visé la production à moindre coût d’une ration alimentaire au profit des populations urbaines.
Les politiques agricoles dans ses dimensions multiples ont consisté à mettre en place
– des mécanismes économiques (prix et revenus agricoles, crédit, investissements,…);
– institutionnels (formation du capital humain, organisation de la recherche agronomique, structures de représentation des agriculteurs);
– juridiques (lois foncières, législations commerciales et fiscales, régime social et de protection) en conformité avec les objectifs fondamentaux et les stratégies de développement économique adoptées.
Il convient de noter que les structures foncières (orientées vers la constitution d’exploitations de taille – foncière – optimale, en rapport avec la contrainte économique et la nécessité de produire plus et à moindre coût) étaient promues par une politique foncière adaptée.
Les voies empruntées par cette modernisation agricole ont produit les effets que nous connaissons aujourd’hui;
1. Le nombre d’exploitations a été divisé par 2,5 au cours de ces trois dernières décennies en France et la population active agricole représente moins de 4 % de la population active totale en 1999 (taux qui est inférieur au nombre de retraités agricoles) contre près de 25 % en 1960;
2. La taille des exploitations a augmenté (38,5 ha/exploitation en 1995 en France contre 19 ha en 1965), les volumes de capital détenu par exploitant de même que les chiffres d’affaires par unité d’exploitation ont également enregistré des accroissements continues.
3. Les productivités et les rendements agricoles ont été tels que les pays industrialisés résultants de la surproduction agricole extrêmement coûteux pour les budgets publics.
4. Les populations agricoles actives en excédent, suite aux restructurations des exploitations, ont trouvé un exutoire dans les emplois crées par l’expansion industrielle. Les départs massifs des petits exploitants (et/ou des propriétaires exploitants ) et l’exode agricole ont été régulés par l’organisation d’un marché du travail fortement déterminé par le développement des autres secteurs de l’activité économique (industrie et services).
Les Problèmes ont Changé de Nature Aujourd’hui
1. ils se résument dans la gestion raisonnée des ressources naturelles pour résoudre les questions de pollution des sols agricoles et des nappes phréatiques (nitrates);
2. dans la lutte contre la dévitalisation et la désertification des zones rurales (4 % d’actifs agricoles a en charge de la gestion des deux –tiers de l’espace français);
3. dans le développement des produits de qualité, dans la diversification des activités agricoles et la promotion de la multifonctionnalité de l’agriculture;
4. dans le soutien des revenus et la formation aux métiers agricoles.
Une des clés du succès : « une politique foncière assurant la promotion de l’exploitation agricole »
- les succès enregistrés dans les pays industrialisés résultent d’interventions très fortes des pouvoirs publics (en termes de contributions budgétaires, de soutiens indirects dans les domaines de la formation, de la recherche, en termes d’encadrement des marchés, de soutien des prix, de prêts bonifiés…).
- Ils ont été obtenus dans un contexte où la gestion du foncier a privilégié le concept de l’unité économique et juridique- d’exploitation (et d’exploitant) agricole;
- Les grandes unités agricoles intensives, localisées dans les régions les plus performantes de France – principale puissance agricole au monde- sont exploitées sous le mode du fermage (qui représente selon les dernières statistiques un mode de faire valoir dominant et en progrès constant);
- Ceci pour illustrer que la propriété de la terre n’est pas la condition sine qua non de la croissance agricole;
- D’autres pays, au développement agricole exemplaire (Pays-Bas, Danemark), ont développé la forme coopérative comme mode d’organisation de leurs structures foncières.
La Question Foncière en Algérie
La Relation de Propriété Foncière
Celle au patrimoine foncier en premier lieu- est le produit d’une histoire des sociétés, des formes d’organisation sociale dont elles se dotent pour gérer leurs ressources (naturelles et économiques); Les caractères spécifiques de l’évolution foncière D’un point de vue historique, avant la période coloniale l’organisation de l’espace agricole se caractérisait, d’une part, par une adaptation des populations rurales aux éléments offerts par le milieu naturel, et d’autre part, par l’élaboration de systèmes de production et de propriété propres à chacun des domaines bio-climatiques;
- Cette adaptation a joué, on le sait, pleinement sur les complémentarités : montagnes/plaines, forêts/terre de culture, élevage/cultures céréalières et fourragères…
- Les modes d’appropriation de l’espace, les systèmes de propriété ont été variés et combinaient formes individuelles, familiales et collectives de propriété; Propriété Melk indivise sur les parcelles cultivées intensivement, propriété publique sur les communaux de village et les forêts, arch. et tribale sur les parcours…
Les Caractères Spécifiques de la Question Foncière en Algérie
L’organisation foncière ancienne conciliait ainsi la gestion collective de l’espace agricole et l’appropriation individuelle du sol.
1. La période coloniale bouleversa brutalement cette organisation. La colonisation du territoire se fera sur la base d’une mise en valeur d’un espace agricole dit utile spécialisant des régions (disposant généralement de bonnes potentialités naturelles) dans des cultures spéculatives et de rente.
2. Elle développera – via les lois foncières- un mode de propriété du sol qui visait essentiellement la transformation des formes sociales antérieures d’organisation de l’activité agricole (organisation collective, familiale et/ou tribale).
• Elle a favorisé en Algérie, le développement de grandes propriétés foncières. Les modes d’exploitation et de propriété du sol qui ont été promus par la colonisation (Le 14 juillet 1865, un sénatus-consulte, loi Warnier 1873) ont considérablement freiné et/ou ajourné le processus (déjà contrarié par le passé) de constitution d’une paysannerie algérienne –dotés de titres permanents de propriété- au sens moderne du terme;
• A la sortie de la lutte de libération, la paysannerie (au sens réel du terme) est minoritaire. Les fellahs algériens sont représentés par des populations déracinées formées majoritairement de salariés agricoles, de saisonniers, de chômeurs ruraux et de khammès. En ce sens l’autogestion et le mode collectif d’exploitation des terres qu’elle impose en 1963 n’est pas le fruit d’un hasard historique.
- Les formes de propriété et d’exploitation des terres sont également déterminées par les contraintes agro-climatiques. La pauvreté des sols, la faiblesse des ressources hydriques en liaison avec l’aridité du climat et le bas niveau des techniques ont imposé des formes collectives d’activités agricoles sur de grandes superficies exploitées extensive-ment (dans les zones steppiques et les hautes plaines sèches).
- Le développement économique – en particulier industriel – amorcé après l’indépendance, conjugué à inefficience des politiques agricoles et rurales accéléreront le processus de décomposition de la paysannerie sans toutefois réussir à reconstruire ou favoriser l’émergence d’un autre type d’agriculture (collective, d’entreprise, étatique ou familiale).
• Les structures agraires, les modes d’usage du sol ainsi que les formes de propriété de la terre évoluent sous la pression de plusieurs facteurs.
Spécificité du Foncier Agricole en Algérie
1. En Algérie, plus de la moitié de la Superficie Agricole Utile SAU est de statut privé;
2. Les terres Melk sont exploitées ou gérées par le droit musulman (cf. règles d’héritage et de succession, droit de chafaâ,…);
3. Les modes de faire-valoir (directs et indirects) ne sont plus soumises à des conditionnalités particulières (comme ce fut le cas dans le cadre de la loi de Révolution agraire);
4. Les problèmes d’immatriculation, d’hypothèques, de cadastre, d’enregistrement et d’inscription au livre foncier sont en cours actuellement;
5. Le régime juridique de ces terres n’a pas, en outre, pas freiné le processus de morcellement des exploitations et d’extension du micro- fundisme préjudiciables au progrès technique et à l’augmentation de la productivité du travail dans l’agriculture;
6. Les terres du domaine privé de l’ Etat – 2,8 millions d’hectares – ont été attribuées en jouissance perpétuelle à des exploitants agricoles dans le cadre de la loi 87-19 adoptée en novembre 1987; Elles sont gérées sous forme d’exploitations agricoles collectives (EAC) ou d’exploitations agricoles individuelles (EAI);
7. L’innovation juridique introduite – dans le cadre d’un projet libéral de réformes agricoles – était la séparation entre le droit de propriété (le droit sur le sol appartient à l’ État) et le droit d’exploitation (droit portant sur l’ensemble des actifs agricoles et qui est transféré aux exploitants bénéficiaires).
Caractéristiques de la taille des exploitations en Algérie: « Prédominance de la petite exploitation! »
1/ 70% de « petites » exploitations avec une superficie comprise entre 0,1 et moins de 10 ha; occupent 25,4% de la SAU totale;
2/ 22,6% de « moyennes » exploitations avec une superficie comprise entre 10 et moins 50 ha détiennent 51,8 % de la SAU totale;
3/ 1,9 % de « grandes » exploitations avec une superficie égale ou supérieure à 50 ha qui représentent 22,7 % de la SAU totale. Dans cette catégorie, les exploitations de 200 ha et plus, occupant 5,4% de la SAU totale, ne représentent que 0,1% du nombre total des exploitations.
Théories de La Rente Foncière
• Les théories de la rente foncière élaborées par l’école classique (et dont le plus illustre représentant est Ricardo) ainsi que les développements critiques apportés par Marx constituent la principale source de référence théorique et conceptuelle .
• Les approches ricardiennes et marxiennes distinguent deux types de rente :
- les rentes dites « classiques » qui renvoient aux catégories de “ rente absolue ” et de “ rentes différentielles ”;
- les rentes “ de monopole ”, « anormales » selon Marx, et qui font référence dans la théorie économique à des situations de « déséquilibre » momentanées du marché.
David RICARDO (1886) donne les définitions suivantes de la rente foncière :
“ La rente est cette portion du produit de la terre que l’on paye au propriétaire pour avoir le droit d’exploiter les facultés productives originelles et impérissables du sol ”.
- « La rente est l’effet constant de l’emploi d’une plus grande quantité donnant moins de produit, ce qui fait donc hausser la valeur comparative des produits naturels, c’est l’excédent de travail consacré aux dernières cultures et non la rente qu’on paye au propriétaire » .
- Les hypothèse de base retenues sont l’existence d’une loi des rendements décroissants et une loi de la population (celle de Malthus).
- La loi des rendements décroissants selon laquelle l’efficacité d’un facteur (terre) est une fonction décroissante de son volume.
- La loi de population (Malthus) qui affirme qu’il existe un déséquilibre permanent entre la croissance démographique (déterminant en partie la demande de biens agricoles et alimentaires) et la croissance de la production agricole.
Source: C.OMARI -2010 ENSA- DER
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